L'éditorial

Un jour, un culte !

Ce weekend j'ai été invitée à un séminaire qui se tenait dans l'Est de Paris. L'affiche de cet événement nous promettait un weekend de signes, de prodiges et de miracles. Ce ne sont pas ces raisons qui me firent enfiler mon gant et mon manteau pour affronter la bise hivernale, non ; je voulais rencontrer l'invité du jour, qui voulait faire ma connaissance.
La rencontre était prévue pour quatorze heures. Me voilà donc bravant une heure et quarante cinq minutes d'embouteillages pour me rendre au lieu du rendez-vous.
J'arrivai avec dix minutes d'avance et de nombreuses personnes attendaient déjà dans la salle, en piaffant d'impatience. Seulement voilà, quatorze heures sonnent à l'horloge murale au-dessus de l'estrade et rien ne se passe, quatorze heure trente, rien, quinze heures et toujours rien. Nous commençons à nous inquiéter et ma voisine me regarda, l'air de me dire si je savais ce qui se passait. Je fis une moue dubitative et une soeur entreprend de me raconter que la veille, la réunion avait débuté à dix-sept heures au lieu des quinze heures trente annoncés, avec des conséquences aussi sur la fin de la réunion, qui s'est terminée avec deux heures de retard ; et tant pis pour ceux qui avaient des trains à prendre !
L'assemblée était majoritairement composée des personnes venues de Province, de Suisse ou du reste de la France pour voir l'orateur. Certaines étaient arrivées avec deux heures d'avance, pour être sûres d'être bien à l'heure et ne rien rater de ce que Dieu avait pour elles.
Choquée par ce qui me semblait être un manque total de respect et de civisme, aussi bien à l'égard du Seigneur qu'à l'égard des brebis, je parle au Seigneur, je maugrée et je lui dis mon mécontentement d'être dans une salle glacée, sans l'ombre d'un ministre ou d'un ministère en vue. J'hésitai entre partir sur-le-champ et appliquer une des vertus que l'on aime guère et qui se nomme patience. Mais là, ma patience avait été mise à rude épreuve et je m'apprêtais à partir, lorsqu'une des jeunes filles qui se tenait à l'accueil, eut pitié de nous et nous invita à patienter en priant.
Nous voilà donc sous sa conduite, chassant tous les esprits qui bloquaient nos vies (les esprits familiers, les esprits territoriaux, les esprits des eaux...), ainsi que tous ceux qui étaient contre le séminaire. En effet, il devait y en avoir un grand nombre, puisque nous étions coincés là depuis deux heures sans aucune nouvelle des organisateurs ! Et que dire des ministères qui n'étaient même pas encore arrivés ; n'avaient-ils pas carrément besoin de délivrance ? Bref, la jeune fille fait de son mieux, sollicite le zèle et la ferveur de chacun mais rien à faire ; les démons sont coriaces...aussi nos maigres prières rebondissent comme des balles de ping-pong et n'ont pas l'effet attendu.
C'est à seize heures que les chantres et les musiciens arrivèrent ; d'autres arrivèrent plus tard encore. Quant aux ministères invités, ils daignèrent nous honorer de leur présence aux alentours de dix-sept heures.
Nullement pressés et nullement préparés, les chantres ne prirent même pas le temps de prier ; pis encore ; ce petit groupe de huit à neuf personnes, discutait et plaisantait gaiement, sous les regards interloqués de l'assistance. Je bouillonnais intérieurement et je dus fermer les yeux sur les accoutrements et les tenues choquantes dont les femmes étaient affublées.
Comme temps de louange, nous eûmes droit à un véritable show artistique : que pouvions-nous attendre d'autre ? Les chantres ne chantaient pas tous en même temps, chacun faisait sa prestation, tantôt Garou, tantôt Céline Dion et ceux qui étaient fatigués allaient s'asseoir ou discuter à part.
Arrive l'apôtre de la maison ; son épouse arrivera plus tard, escortée telle une star (elle ne tiendra pas en place, tout au long de la réunion), ainsi que l'orateur du jour, et là , ma curiosité est plus que piquée au vif, car je tiens à mettre un nom et un visage sur le responsable d'une telle parodie, appelée ''église''. Il vient en effet, tiré à quatre épingle et s'affaire ici et là . Il ne prend pas le temps de se recueillir dans la présence du Dieu qu'il prétend vénérer (l'orateur non plus d'ailleurs, trop affairée avec sa caméra et son appareil photo). Pourquoi le ferait-il, n'est-il pas le ''oint'' de l'Eternel ? N'est-il pas ''apôtre'' ? A-t-il besoin d'intercéder avant le culte ou d'adorer comme nous, commun des mortels ? Combien de pasteur se promènent dans la salle les mains dans les poches pendant le culte ? Combien mâchent leur chewing-gum pendant l'adoration, signe d'un mortel ennui ? Combien restent tout simplement dans leur bureau pendant la louange, jusqu'au moment d'apporter la parole ?
L'apôtre s'empare du micro pour se présenter et présenter le ministère. Pas un mot d'excuse sur les deux heures effroyables que nous venons de passer dans cette salle glacée, pas un mot d'excuse pour son propre retard ; d'ailleurs pourquoi s'excuserait-il ? Il était bien au-dessus de ce genre de considération !
Alors que je suis en proie à un mal de crâne lancinant et que je me demande comme Géronte, ce que j'étais venue faire dans cette galère, notre homme, va ''chauffer la salle''. En réalité, il va prêcher pendant une heure avant l'orateur. Il prend le temps de nous faire comprendre comment honorer Dieu. Il nous explique que si nous sommes dans cet état lamentable, pauvres bougres que nous sommes, c'est que nous méconnaissons les lois spirituelles. J'acquiesce avec un sourire en coin. N'a-t-il pas raison ? Il me semble qu'il sait parfaitement de quoi il parle ! Je me demandais comment on pouvait honorer Dieu, lorsque l'on se permettait de venir dans Sa présence avec deux heures de retard, de surcroît pendant un séminaire organisé pour un orateur venant de loin ! Loin d'être une exception, il semblait que ce soit une habitude dans cette ''église'' où l'on pratiquait ''l'heure africaine''. Nul ne se doute que c'est un péché et une offense grave, mais bon, passons aux offrandes.
Enfin, on introduit l'orateur, mais ce dernier devra encore attendre vingt minutes pendant lesquelles, les choristes dans une totale confusion vont essayer de faire ''descendre l'onction'' afin de l'accompagner. Je ne sais trop ce qu'il en est, mais il ne trouva pas cette ''onction'' à son goût et coupa court ; pendant sa prédication, il demanda qu'on arrête le ''piano bar'' qui le dérangeait. Il renvoya même le pianiste au profit d'un autre qu'il jugeait plus oint...
Comme j'eus le malheur d'être à la première rangée, je fis de mon mieux pour me concentrer sur le message du salut prêchée par l'évangéliste et dont j'avais grandement besoin, ainsi que cette ''église'' d'ailleurs, mais c'était un véritable exploit, car la femme du pasteur qui était sur mon champ de vision et qui s'amusait avec sa tablette, était une distraction bien involontaire. Je soupirais en silence, en attendant le moment propice pour m'échapper de la ''galère''.
J'en eus l'occasion dès que l'orateur dit ''Amen'' à sa prédication et fit l'appel à la prière. Tant pis pour notre rencontre ! Je saisis mon manteau et mon sac sous les regards curieux. De peur que l'on me rattrape, je forçais le pas. A la sortie, une gentille hôtesse me demanda pourquoi je quittais le séminaire au moment le plus important de la soirée ? Je lui adressais un sourire et sans lui dire que j'avais été plus que ''bénie'' et que j'en avais eu pour mon compte, je lui dis que j'habitais très loin.
Une fois dans ma voiture, je soupirais de soulagement ! J'étais totalement délivrée vous pouvez me croire !
Voilà ce que beaucoup appellent un culte agréable à Dieu ! Si moi je ne pouvais le supporter, j'imagine sans peine ce qu'en pense Dieu, le principal intéressé ! Quoi qu'il en soit, j'ai juré, que l'on ne m'y reprendrait plus !
